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Estivales 2023 l Pour un projet FSGT émancipateur !

Les dernières Estivales, temps de réflexion ouvert aux dirigeant·es bénévoles et salarié·es de la FSGT, se sont tenues du 3 au 7 juillet 2023 à Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche). Lors de cette édition, toutes les conditions étaient réunies pour questionner le rapport entre la Fédération et son environnement social et politique avec, toujours au centre, l’enjeu d’une visée émancipatrice de son projet.

Temps de réflexion, les Estivales sont également l’occasion de réaliser de nombreuses activités. © FSGT

Qu’est-ce qu’une visée émancipatrice par le sport ? En quoi la FSGT répond ou ne répond pas aux besoins et aux attentes de la population en 2023 ? Pourquoi le projet émancipateur de la Fédération n'arrive-t-il pas davantage à « imprimer » dans la société ou, autrement dit, pourquoi ne sommes-nous pas des millions ? Nos activités et nos associations portent-elles toujours un projet émancipateur ? Comment mieux accueillir une diversité de clubs ?

En appui sur une littérature dense et choisie et sur les expériences et analyses de chacun·e, ce sont toutes les questions, parfois provocatrices, que la quarantaine de participant·es aux dernières Estivales FSGT, un temps de réflexion ouvert aux dirigeant·es bénévoles et salarié·es de la Fédération qui s’est tenue du 3 au 7 juillet 2023 à Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche), se sont posées. Et si l’affirmation d’un projet omnisport de transformation sociale n’était pas, en soi, un début de réponse ?

« Jamais de la vie je n’aurais pensé être capable de danser. » Marie Lee, récemment arrivée en tant que chargée de développement au sein du Domaine formation de la FSGT, raconte sa découverte de cette activité au sein de la section adultes omnisport FSGT de l’AS Drancy (Seine-Saint-Denis). Quelques mots simples pour parler d’émancipation et comment la traduire dans une pratique sportive associative…

L’émancipation dans le sport, c’est comment, par la pratique dans un cadre associatif, on grandit, on construit, on apprend et on progresse, en prenant du plaisir, pour arriver à faire des choses qu’on ne pensait pas possible et pour vivre des rapports sociaux impossibles dans les autres sphères de notre vie.

C’est la capacité d’organiser des événements festifs et solidaires face à un climat anxiogène et de repli sur soi et face à une société du sport marchand qui réserve les activités de qualité à celles et ceux qui ont les moyens.

La Fédération se doit ainsi de créer les situations de l’émancipation agissant sur certains déterminismes sociaux. Car en se limitant à un projet d’accès au sport, sans travailler la qualité des contenus permettant réellement de progresser tant sur le plan physique, que social et cognitif, on passe à côté de la dimension émancipatrice.


Les besoins de la population

Dans l’énonciation de son projet, la FSGT se réfère souvent à la nécessité de répondre aux besoins de la population, en faisant d’ailleurs attention à bien distinguer ce terme de celui des « attentes » qui fait davantage référence aux évolutions de consommation, aux « effets de mode », sans pour autant être négatif.

Le besoin fait référence au droit au sport. Si le dernier rapport de l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire indique que la pratique sportive augmente et que l’écart entre les catégories sociales et de genre régresse, cette évolution s’organise de plus en plus en dehors de toute structure associative.

Pourtant, l’appropriation de l’histoire culturelle des activités physiques et sportives, avec par exemple les stages Maurice Baquet de la Fédération (1965-1985) et le court-métrage L’homme sportif réalisé à l’occasion des 50 ans de la FSGT, montre que ce sont les rapports sociaux qui constituent, dès la naissance, le besoin essentiel pour se rattacher à la communauté humaine, se développer, devenir citoyen·ne…

Le lien social est vital ! Si cela semble être une évidence, l’évolution de la société, y compris des disciplines sportives, nous indique que nous nous éloignons de la réponse à ce besoin. La croissance de la sédentarité n’est-elle pas un signe de repli sur soi coupant d’une vie sociale active et de la structuration de rapports sociaux ? Le projet de transformation sociale de la Fédération prend alors encore davantage de sens : faire du sport un espace de socialisation qui produira, en appui sur une pratique autogérée, de l’émancipation.


Un projet plus hégémonique...

Pourquoi dans le contexte actuel, à la fois de fortes mobilisations contre la réforme des retraites et de montée de l’extrême droite, il n’existe pas une base sociale suffisamment forte, notamment au sein des classes populaires, pour provoquer du changement ? Dans un texte de François Bégaudeau, écrivain et réalisateur, paru en juin 2022 dans Socialter, il est expliqué que la peur de déclassement des classes pauvres et moyennes les incitent toujours plus à se refermer sur elles-mêmes et à vouloir, malgré elles, et à priori contre leurs propres intérêts, conserver l’ordre existant.

Peut-on faire le même parallèle avec le sport ? Certainement, notamment dans cette idée de la méritocratie toujours valorisée par la société et dans l’hypermédiatisation de celles et ceux qui réussissent dans le sport et à qui on voudrait ressembler.

Dans la Fédération aussi, il y a parfois une timidité à sortir de certains cadres sportifs traditionnels. Pourtant, l’analyse de l’évolution des activités de ces dernières années indique que l’innovation à la FSGT est d’autant plus efficace quand les fédérations délégataires renforcent leur politique élitiste.

Quand les Commissions fédérales d’activités cultivent une proximité trop forte de contenus avec les fédérations françaises, comme dans les clubs, cela se fait souvent au détriment de la dimension associative, solidaire et festive. Cité dans l’ouvrage Guerre de mouvement, guerre de position (éditions La fabrique), Antonio Gramsci, homme politique italien incarcéré jusqu’à sa mort par Mussolini, théorise la question de l’hégémonie en analysant la prise de pouvoir fasciste et met en avant la nécessité de s’unir avec d’autres groupes partageant les mêmes intérêts. C’est donc tout le sens pour la Fédération de continuer à être présente et porteuse de changements, petit à petit, dans le mouvement sportif, associatif et social.

... et plus vivant !

Finalement, doit-on se remettre en question si nous n’arrivons pas à mobiliser davantage ? Par exemple contre la réforme des retraites pour laquelle nous avons démontré les conséquences réelles sur la vie associative et sportive ? La réponse peut s’avérer plus optimiste qu’au départ.

En effet, l’émancipation n’est pas à chercher dans la quête du grand soir. Cette ouvrière de chez Wonder qui refuse de retourner à l’usine en mai 68* n’a-t-elle pas trouvé une forme d’émancipation dans la lutte, même si le résultat n’est pas celui qui était escompté ? Gramsci, encore lui, ne nous invite-t-il pas à « prendre acte d’une nouvelle situation en cherchant les potentialités émancipatrices qu’elle renferme plutôt que d’adopter à son égard d’une attitude de déploration » ?

La FSGT doit, plus que jamais, créer les conditions d’affirmation d’un projet politique d’émancipation par le sport, de processus de transformation de la société. Alors que nous sommes entrés dans une phase de l'anthropocène, c'est-à-dire une ère où les activités humaines engendrées par le système capitaliste sont à l’origine de la destruction de la planète, le rapport au vivant doit y prendre toute sa place…

La Fédération tire toute sa force dans sa capacité à créer des rapports sociaux par le corps et le jeu sportif, à créer de la culture commune en appui sur des collectifs et des pratiques locales et dans le respect de leur environnement social et naturel.

Pour reprendre les mots du sociologue Jean-Louis Laville dans Alters Média, la « relation entre émancipation sociale et problématique de l’anthropocène est au fond la question des relations entre transformation des rapports sociaux et transformation de nos rapports à la nature ». C’est tout l’enjeu de notre maillage territorial. L’exemple de la démarche du comité FSGT de la Réunion, qui a réuni des clubs de différents territoires pour définir les besoins et apporter des réponses associatives et sportives, est de ce point de vue significatif.


* La reprise du travail aux usines Wonder de Jacques Willemont et des étudiants de l’Idhec.


Emmanuelle Bonnet Oulaldj


 

Comment mieux accueillir la diversité de clubs au sein de la FSGT ?

Le projet associatif fédéral est un socle commun sur lequel peuvent se retrouver tous les clubs qui font le projet de la FSGT. La Fédération doit néanmoins continuer à s’interroger sur sa capacité à accueillir des associations qui agissent auprès des plus démuni·es et pour lesquelles le système fédéral classique de la licence ne semble pas adapté. Les dernières Estivales, organisées du 3 au 7 juillet 2023 à Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche), ont été l’occasion de faire le lien entre les temps et le projet associatif. En référence à un article de Jérôme Baschet sur l’expérience zapatiste paru dans Socialter (août 2021), repartons de la maxime des 80 ans de la FSGT : « Fière de son passé, lucide sur son présent, conquérante pour l’avenir ». Notre histoire crée du sens commun et notre futur ; l’idéal d’un projet de transformation sociale et de droit à un sport associatif de qualité pour toutes et tous. « Lucide », c’est cette idée que nous connaissons la place du sport marchand et de la montée de l’extrême droite, mais que nous ne renonçons pas. Il y aurait ainsi un « sablier », au sens du lien entre ces trois temporalités, que la Fédération et les Comités pourraient approfondir dans la relation aux clubs et aux dimensions « militante, sportive, citoyenne », pour reprendre la typologie analysée par Sciences po en 2017 dans une étude sur le Comité FSGT du Val-de-Marne. EBO


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