« La LDH et l’ensemble des associations œuvrant contre les atteintes aux droits fondamentaux, y compris dans le sport, sont essentielles à notre société, à la démocratie, à notre République. » Le 5 avril dernier, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) était menacée par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, lors d’une audition au Sénat et la FSGT n’hésitait pas à lui apporter son soutien dans un communiqué publié deux jours plus tard. Sport et plein air a donc souhaité demander au président de la Ligue, Patrick Baudouin, de présenter cette association, ainsi que ses raisons d’être, à ses lecteurs et lectrices…
Quelle est l’histoire de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et quelles sont ses missions ?
Patrick Baudouin : Créée en 1898, la Ligue des droits de l’Homme constitue la plus ancienne organisation de défense des droits et des libertés en France. Elle a vu le jour à l’occasion de l’affaire Dreyfus, afin de lutter contre l’injustice qui avait frappé ce capitaine juif de l’armée française accusé, par antisémitisme, d’être un espion à la solde de l’Allemagne… Notre mission, en résumé, est la défense des droits et des libertés pour tous et toutes, sans distinction d’origine, de religion, de genre et d’opinion. Nous nous battons contre toutes les formes de discrimination, contre le racisme et l’antisémitisme, pour la défense des droits LGBTQI et, ce qui va de paire, contre l’extrême droite. Aujourd’hui, nous sommes très vigilants sur la défense des libertés de manifestation, d’association et d’expression qui sont de plus en plus limitées et la défense des droits des étrangers et des migrants nous préoccupe aussi énormément !
Est-ce que la LDH est déjà intervenue dans le domaine du sport ?
Patrick Baudouin : Évidemment. Récemment, nous avons intenté une action en justice contre le Paris-Saint-Germain et certains de ses responsables en raison de la création d’un fichier ethnique illégal qui répertoriait les joueurs selon leur origines et leur couleur de peau. Nous sommes également engagés sur une procédure concernant des supporters du club de Reims ayant tenu des propos et insultes à caractère raciste lors d’un match. Enfin, pendant la Coupe du monde de football 2022, nous nous sommes positionnés, avec d’autres associations comme Amnesty international, sur les violations des droits humains des travailleurs migrants au Qatar, mais également sur l’aspect écologique de cet événement et les atteintes aux droits environnementaux.
Comment analysez-vous les attaques dont la LDH est la cible aujourd’hui ?
Patrick Baudouin : Ces attaques se situent dans un certain contexte général d’atteintes aux libertés. Si on prend la liberté d’association, la principale entorse résulte de la loi contre le séparatisme du 9 août 2021 et le décret d’application portant le Contrat d’engagement républicain. Ce dernier oblige les associations qui sollicitent des subventions publiques à souscrire un contrat qui n’en porte que le nom puisqu’il n’est pas discuté ou négocié… Il comporte sept engagements imposés dont le plus préoccupant reste de n’avoir aucune action qui puisse être de nature à porter atteinte à « l’ordre public ». Il s’agit d’une notion très vague, non définie légalement, prémices à de potentielles atteintes aux libertés et beaucoup d’associations se sont déjà vues rogner ou supprimer leurs subventions. C’est dans ce climat que monsieur Darmanin est venu interroger celles reçues par la Ligue, notamment, comme il l’a expliqué, dans le cadre des interventions qu’elle a pu mener. Le pouvoir et les autorités s’arrogent donc un droit de regard, et d'approbation, sur les actions des structures en prétendant ensuite distribuer les subventions publiques si elles leur conviennent ou non. La plupart des associations ayant besoin de subventions pour fonctionner, nous sommes face à un affaiblissement grave de leur liberté ! Cela renvoie aux pratiques des régimes dits « illibéraux » qui cherchent à bâillonner les contre-pouvoirs, et les associations en sont un très important, par étouffement financier.
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