Souvent intéressé·es par le sport-santé, les senior·es seront 21 millions en 2030 et plus de 25 millions en 2060. De quoi aiguiser l’appétit des entreprises du secteur…
Les activités physiques et sportives sont devenues un marché bien trop juteux pour le laisser au monde associatif… L’offensive libérale y a pris de nombreuses formes, aussi bien culturelle qu’entrepreneuriale, avec l’essor de start-up commercialisant des applications spécifiques à telle ou telle discipline. Les entreprises spécialisées dans le sport procèdent aussi en grignotant l’espace du service public - s’imposant où ses reculs se font cruellement sentir, faute de moyens et de soutien politique - et une clientèle les intéresse de plus en plus : les senior·es.
Ces dernier·ères représentent près de 20% de la population, soit 13 millions de client·es potentiel·les, dont le souci pour la santé s’avère par ailleurs central. Leur niveau de vie mensuel médian est, en outre, supérieur à celui du reste de la population.
La « silver économie », c’est-à-dire l’ensemble des marchés, activités de services et ventes de produits liés aux personnes de plus de 50 ans, représente des centaines et des centaines de milliards d’euros en France. En décembre 2021, le média Entreprendre en résumait l’enjeu :
« En 2030, la France comptera 21 millions de seniors et, en 2060, plus de 25 millions. Leur place représente un défi majeur pour (...) les entreprises qui ne peuvent plus passer à côté de ce marché exponentiel, et se livrent une guerre sans merci. »
Dans cette perspective, comme le constatait Économie Matin en janvier 2024, « la croissance des entreprises du monde du sport sera inéluctablement portée par des sportifs de plus de 60 ans ».
Sport-santé & secteur marchand
Les senior·es se retrouvent également au centre de la lutte contre la sédentarité. En 2012, dans un article publié dans Les Politiques Sociales, la sociologue Pia-Caroline Hénaff-Pineau interrogeait déjà la signification de cette nouvelle figure du senior sportif :
« Vieillir en restant actif, tel est le nouveau modèle médico-social du “bien vieillir” préconisé dans nos sociétés contemporaines affectées par un fort vieillissement démographique et préoccupées par la maîtrise des coûts socio-économiques d’une longévité croissante. Ainsi, depuis une dizaine d’années en France, la préservation de la santé et de l’autonomie par l’activité physique et sportive constitue une des thématiques centrales des politiques publiques de santé et de vieillesse. »
Le secteur marchand surfe évidemment sur cette évolution socio-culturelle. Sur son site Internet, l’enseigne de vente d’équipements sportifs Decathlon prétend nous aider « à comprendre l'intérêt de bouger passer 60 ans et (nous) accompagne dans le choix de l'activité physique qui (nous) fera du bien et qui sera adaptée à (nos) besoins. Améliorer la souplesse, affiner l’équilibre, renforcer les os, contrôler le poids, diminuer la pression artérielle etc. Au moins tout ça ! » Et surtout, achetez chez nous… En mars dernier, le salon des seniors qui se tenait à Paris a adopté un fil conducteur révélateur (« le sport, c’est la vie ; bouger, c’est vital ») tandis que le magazine Capital s’épanchait, en février 2024, sur le cas des start-up françaises se focalisant sur cette tranche d’âge :
« Depuis dix ans, ce marché attire des centaines d’entrepreneurs qui, à coups de technologies, d’innovations et de bonnes idées ont à cœur de faciliter la vie et le bien vieillir des seniors ».
Développer une politique associative
Le phénomène d’ubérisation des activités physiques, déjà visible dans le running ou le cyclisme, prend tout son sens. Va-t-il contaminer les Ehpad, vers lesquels lorgnent déjà de nombreuses sociétés ? « Et si le senior “sportif compétiteur performant”, figure d’exception et de transgression d’aujourd’hui, s’imposait comme le prochain modèle du bien vieillir sportif de demain ? » se questionnait également Pia-Caroline Hénaff-Pineau.
Ce danger impose le développement d’une véritable politique associative à destination de ce public - qui diffuse un modèle basé sur d’autres valeurs que la rentabilité de l’humain à l’automne de sa vie, pourvu qu’il coûte le moins cher possible à la sécurité sociale - et des fédérations soucieuses n’ont jamais cessé de penser et d’innover dans leurs pratiques à destination des senior·es pour accroître leur capital physique, mais aussi leur émancipation. Le succès du walking foot et de la marche nordique à la FSGT démontre qu’un chemin non mercantile est bien possible…
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