Le développement du sport populaire est forcément impacté par son environnement et les spécificités régionales. La Corse possède une histoire singulière au sein de la République, et la récente actualité l’a encore dramatiquement illustrée. Pourtant, dès les années cinquante, la FSGT commence à s’y implanter. Difficilement, mais en s’appuyant sur le besoin de reconnaissance et d'auto-organisation d’un tissu sportif local très motivé.
La rencontre initiale entre le sport travailliste et la Corse se réalise sous les auspices de son cadre naturel exceptionnel. Car la démocratisation des activités de plein air entre les deux guerres concerne également l’île de Beauté, avec, du fait de l’éloignement et de la traversée en bateau, un sentiment d’évasion renforcée… En juin 1935, À l’air libre, le bulletin des « Amis de la Nature » de Paris, nous apprend par exemple que « 14 camarades sont partis en Corse, frais et guillerets. Attendons de leurs nouvelles et l’exposé de leurs exploits. » Cette tradition va évidemment perdurer. En juin 1961, Sport et plein air (SPA) rapporte qu’un rassemblement FSGT sera mis en place cet été là sur l’île. « La Corse attire beaucoup les amoureux du camping sauvage », peut-on y lire.
« Pendant la durée de ce camp, différentes activités seront organisées : randonnées pédestres facultatives aux alentours du camp, volley-ball et jeux de ballon, natation et pêche sous-marine, veillées avec jeux et causeries culturelles (et) concours de photos. »
Des associations affiliées à la Fédération apparaissent en Corse après 1945. À cette époque, « l’activité FSGT chasse et plongée sous-marine était très développée en Provence, et la Corse y était rattachée », écrit Paul Balbi, alors ancien président de Comité des Bouches-du-Rhône, dans le Sport et plein air de décembre 2000.
« En 1955, un club Amis de la Nature FSGT, animé par les camarades Gohel, l'initiateur Moretti (et) le président Félix Gotthelef, faisant état de plus de 100 adhérents était né à Bastia. »
À la fin des années soixante, la FSGT disparaît malheureusement du paysage sportif associatif de l’île de Beauté… Toutefois, la présence corse demeure au sein de la Fédération à travers des clubs « communautaires » sur le continent. Citons l’exemple du Rugby club Corse, vainqueur de la Coupe Lafontan du Comité du Var en 1958, ou l’Unione Corsica qui a vu le jour en 1967 et qui propose toujours du football dans la capitale.
Donner le sourire aux gens tristes…
Le Comité de Corse FSGT est véritablement créé en 1982 dans un contexte politique et social singulier : celui de la montée en puissance du nationalisme sur l’île et du Fronte di liberazione naziunale corsu (« Front national de libération corse ») né en 1976.
En annonçant la naissance du Comité dans les colonnes de Sport et plein air en février 1982, G. Léonardi, son premier secrétaire régional, lie d’ailleurs la volonté de reconnaissance du peuple de l’île de Beauté et l’adhésion au projet de la Fédération sportive et gymnique du travail. Après avoir d’abord décortiqué « deux siècles d'incompréhension et d'injustice », son article, intitulé « Le nouveau Comité de Corse : de la colère à l'espoir », assure que les habitant·es de l’île ont été « bafoués dans leur volonté d'affirmer leur identité culturelle, brimés au plan économique » et que la grande majorité du pays ne peut comprendre les réactions violentes de certain·es Corses car « les médias ne s'attachent qu'aux effets sans expliquer les causes ».
« C'est ce qui a motivé le désir de changement des plus importants clubs cyclistes de l'île qui sont à l'origine de la création du Comité régional FSGT », poursuit G. Léonardi.
« Nos dirigeants qui, depuis des années, se battaient vainement contre un mur d'incompréhension voire de cynisme, ont tout de suite perçu, chez leurs nouveaux interlocuteurs de la FSGT, l'identité de vue en matière sportive, tant par les moyens que par les finalités. Le chaleureux accueil qu'ils ont reçu, ainsi que la confiance et le soutien pour leurs premières initiatives, leur prouvent d'ores et déjà qu'ils ont fait le bon choix. »
Le cyclisme sur route s’avère donc être le principal support du jeune Comité, avec rapidement des bons résultats relatés dans la presse fédérale. En septembre 1982, SPA explique ainsi à ses lecteurs et lectrices qu’un coureur Corse a failli devenir le premier champion de France FSGT dans la catégorie minimes. Il s'agissait d’un jeune « répondant au nom de Jean-Pierre Ferrari », précise-t-on dans le journal.
« Son démarrage à 1 500 mètres de la ligne laissa pantois ses 34 adversaires, soucieux d’économiser leur potentiel nerveux en vue du dernier acte. La banderole s'offrait à son regard quand Ferrari fut submergé par le sommet de la vague azuréenne. Dommage, un Corse premier champion de France [FSGT] des minimes, voilà qui n’aurait pas manqué de piment ! »
Les féminines ne sont pas non plus en reste. En 1984, on peut lire dans le Sport et plein air de juillet-août qu’une coureuse de Saône-et-Loire eut maille « avec une minuscule " puce " ajaccienne nommée Valence Camugli pour accrocher la troisième place. Inexpérimentée - elle a 14 ans -, notre petite insulaire possède en revanche une fougue bien sympathique. »
Cette montée en puissance sera confirmée par l’accueil, le 15 juin 1986, des Championnats de France FSGT minimes et juniors de cyclisme sur route sur l’île. Des épreuves nationales de la Fédération se déroulent en Corse pour la première fois, et les bénévoles aux manettes de l’événement ont su « préparer soigneusement l’organisation technique », « convaincre et entraîner avec eux la municipalité de Bastia, le Conseil général, la Direction départementale de la jeunesse et des sports, Radio France Corse, FR3 Corse, la presse de l'île, de nombreux commerçants » et « tirer parti de l’environnement et promouvoir à la fois le cyclisme, la FSGT et la Corse », affirme-t-on dans SPA (juillet-août).
Dans le même article, on apprend également que les Corses ont surnommé la FSGT la « Fédération qui donne le Sourire aux Gens Tristes »… Enfin, le « Tour de Corse cycliste amateur international » est aussi un point de ralliement et de fierté. Dans le Sport et plein air d’avril 1992, il est indiqué que les sept étapes de la huitième édition de cette épreuve « permettront aux coureurs de parcourir 500 km et de découvrir les paysages magnifiques de la Corse ».
Représenter l’île de Beauté !
Autre discipline qui contribue à l’enracinement de la FSGT en Corse : l’athlétisme. En janvier 1983, Sport et plein air relate la venue de six Corses pour la fameuse course Marseille-Cassis. L’équipe était emmenée par un certain Antoine Branca, et ce dernier estime que « lorsqu'on fait le déplacement tout exprès de Corse, lorsqu'on a travaillé les nuits pour se payer le voyage, lorsqu'on est un tout petit club qui débute depuis un an, sans moyen et en butte aux tracasseries opposées par la Ligue et la FFA, lorsqu'en plus on a conscience de représenter la Corse, d'être des petits parmi les grands, on se doit de courir en se sortant les tripes. »
Retour au pays en 1991 avec la troisième édition du « Tour du Cap Corse pédestre par équipes de dix ». « On était venu de toute l'île pour ce rendez-vous désormais classique et, pour la première fois, on enregistrait la venue de trois formations " continentales " », note G. Léonardi dans SPA (12/91).
En 1997, Antoine Branca, toujours lui, se rend aux Championnats de France FSGT de semi-marathon avec une bonne vingtaine d'insulaires. Satisfait de la moisson de ses troupes (trois titres masculins dont un par équipes en seniors), il témoigne dans le Sport et plein air de janvier 1997 à propos de la rudesse d’un circuit « plus dur que le laissait penser le profil plat car il y avait beaucoup de virages, et il fallait relancer sans cesse… Maintenant on rentre en avion, et on vous donne rendez-vous le 18 mai 1997 en Corse pour les prochains championnats de France FSGT de semi marathon à Campanile sur un parcours magnifique, à l'image de notre belle région ! »
Plusieurs disciplines viennent ensuite gonfler les effectifs du Comité comme le volley-ball. En 2004, les finales des Championnats de France FSGT de la discipline se tiennent même sur l’île de Beauté. Et du côté des sports de combat et des arts martiaux, le judo se fait aussi une sacré place depuis l’arrivée du Judo club bastiais en 2013 (présenté dans le SPA de décembre 2020)…
Aujourd’hui, le Comité de Corse affiche une belle santé ! Recensant plus de 1000 licencié·es réparti·es en 26 clubs et une dizaine d’activités physiques et sportives, il ne compte pas s’arrêter là… « L’objectif reste de fédérer et de favoriser cette dynamique positive », indiquait justement Laurent Bonnemaison, son président, dans le Journal de la Corse en avril dernier. Et également de continuer à « mettre en application notre slogan : " Le sport pour tous " et " le sport populaire ". »
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