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Photo du rédacteurNicolas Kssis

Politique | Mettre le fascisme hors-jeu grâce au sport !

Dernière mise à jour : 29 nov. 2022

L’antifascisme représente une des valeurs constitutives de la FSGT. Quel sens et quelle réalité peut-il recouvrir aujourd’hui dans le sport et dans une France où pas moins de 42 % des voix se sont portées vers la candidate d’extrême droite Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle 2022. La question, sans parler du piège anachronique, est bien évidemment complexe. Car personne ne s'approprie ce combat de la même façon...

Les supporters du Ménilmontant football club 1871 lors d'un match le 23 avril 2022. © MFC 1871

En 1934, la charte constitutive de la FSGT, récemment créée après le mariage entre la Fédération sportive du travail communiste et l’Union des sociétés sportives et gymniques du travail socialiste, débutait par ces mots : « Devant les menaces de fascisme et de guerre »...


L’enjeu était de faire en sorte que la République française ne subisse pas le sort de l’Italie et de l’Allemagne, où des régimes totalitaires s’étaient installés dans la violence, en profitant de la division du mouvement ouvrier et du camp démocratique !


Ce combat fondateur de la nouvelle fédération devint terriblement concret en 1936, lorsque l’Olimpiada Popular (« Olympiade populaire ») de Barcelone, une alternative progressiste et solidaire aux Jeux olympiques organisés le même été dans l’Allemagne nazie, fut empêchée par le coup d’État de Franco qui marqua le début de la guerre civile espagnole, puis au moment de l’Occupation.


Si à l’époque l’ennemi était parfaitement défini par des organisations politiques qui assumaient pleine- ment leur idéologie, les repères paraissent se brouiller aujourd’hui. L’extrême droite, sauf des groupuscules radicaux, refuse même d’être désignée de la sorte...


Effectivement, les historiens et historiennes précisent souvent que fascisme et l’extrême droite ne sont pas entièrement synonymes. Mais le populisme conservateur et xénophobe du Rassemblement national porte des nouveaux défis et dangers, et la menace du fascisme prend désormais des formes bien diverses. Le sociologue Ugo Palheta évoque ainsi la résurgence « d’une possibilité du fascisme » et déroule sa réflexion dans les colonnes de Politis.

« On ne compte plus les " symptômes morbides ", pour parler comme Gramsci. Il y a par exemple les dissolutions de collectifs antiracistes luttant contre l’islamophobie (CCIF et CRI), de collectifs anticolonialistes (Palestine vaincra) ou antifascistes (Gale, à Lyon). Il y a également les lois jumelles liberticides imposées il y a deux ans, dites "sécurité globale " et " contre les séparatismes ", qui conjointement intensifient l'autoritarisme et institutionnalisent encore un peu plus l’islamophobie. On pourrait évoquer évidemment aussi les politiques antimigratoires et leurs conséquences criminelles depuis plusieurs décennies. »

« En vérité », poursuit-il, « il y a de nombreux traits communs entre le fascisme historique et ces extrêmes droites, avec des différences qui justifient le fait de parler – pour être tout à fait précis lorsqu’on caractérise le projet de la plupart des organisations d’extrême droite – de " néofascisme ". C’est-à-dire une forme nouvelle de fascisme. »


Des sportif·ves pro’ aux institutions...

Lors de la dernière élection présidentielle, une grande partie du mouvement sportif a appelé à faire barrage à l’extrême droite. Une pétition de sportifs et sportives renommé·es (l’ancien basketteur Tony Parker, le footballeur marseillais Dimitri Payet, la judokate Clarisse Agbegnenou...), parue dans Le Parisien juste avant le second tour de l’élection présidentielle 2022, avait donné la tonalité de ce rejet. « Nous, sportives et sportifs français de tous horizons et de toutes disciplines, ne pouvons imaginer que ce moment historique [Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024] soit marqué du sceau d’une présidence d’extrême droite », pouvait-on notamment y lire.


Le mouvement sportif institutionnel avait rapidement embrayé, que ce soit via la prise de position du Comité national olympique et sportif français en faveur d’Emmanuel Macron le mercredi 13 avril ou lors d’un rassemblement de sportif·ves contre l’extrême droite organisé six jours plus tard à l'Institut du judo de Paris. « Ce n'est pas facile de se positionner dans le sport ou de dire ce que l'on pense vraiment », expliquera sur scène le rugbyman inter- national Gaël Fickou.

« Mais il s'agit juste de nos valeurs et de la diversité qui y est importante. Je jouais avec Ibrahim Diallo, qui est musulman, et pourtant je suis chrétien. Je viens du Sénégal et lui est originaire de ce pays. C'est la France d'aujourd'hui et on a encore la chance de pouvoir conserver ça. »

De son côté, la FSGT publiait un communiqué sans ambiguïté le 15 avril dans lequel elle expliquait que la prise du pouvoir par le Rassemblement national pourrait entraîner des «politiques de plus en plus oppressives et répressives pour des millions de personnes en France, comme pour des organisations œuvrant pour les droits humains, et des atteintes très graves aux droits constitutionnels et aux libertés fondamentales, notamment associatives ».


Enfin, le monde du rugby s’est particulièrement exprimé sur le sujet au moment du récent assassinat de l’ancien joueur du Biarritz olympique Federico Martin Aramburu par deux militants d’extrême droite (et disposant de nombreuses liaisons avec le RN et la police nationale)... Aramburu a été « assassiné parce qu'il s'est opposé à des idées extrémistes et fascistes », assuraient de nombreux rugbymen, en activité ou non, dans une tribune publiée dans L’Équipe (19/04).

« Non, la mort de Federico n'est pas un fait divers, une affaire de droit commun comme certains veulent le laisser entendre. Federico et Shaun [Hegarty, autre ancien joueur pro qui l’accompagnait] étaient en dehors du terrain de jeu, et comme à leur habitude, n'ont pas laissé dire des paroles contraires à leur pensée, leur éducation, leur philosophie de vie. Ils n'ont pas tourné la tête en faisant semblant de n'avoir rien vu, mais ils ont choisi de réagir, à ce qui pour eux était évidence. »

... et sans oublier les clubs !

L’extrême droite tente-t-elle de mettre un pied dans le sport afin d’arriver à lui faire tendre le bras comme ce fut le cas par le passé lors des JO de Berlin de 1936 ou de la Coupe du monde de football organisée dans l’Italie fasciste en 1934 ? Mathieu Molard et Christophe-Cécil Garnier de Streetpress, qui traite souvent de cette dimension peu médiatisée, nuancent d’abord le tableau :

« Il n’y a pas de stratégie d’infiltration en soit de l’extrême droite au sein des structures sportives. Par contre, certaines organisations ont pu monter des clubs de sport, surtout en sport de combat. Cela participait à leur volonté d’élargir leur travail militant au-delà du politique stricto sensu. Citons le Bastion social [dissous en 2019] qui s’inspirait largement du parti politique néofasciste italien CasaPound. »

Toutefois, leur principal connexion se situe avec « certaines tribunes de football et groupes de hooligans, par exemple à Lyon, Nice ou Strasbourg », enchaînent-ils.

« D’une certaine façon, c’est presque davantage le “ stade ” qui influence, en termes de codes vestimentaires ou en fournissant des militants, ces groupuscules. L’historien Nicolas Lebourg explique fort bien que l’extrême droite se structure moins autour d’une pensée que par l’action. Le groupe se construit dans l’action, et, de ce point de vue, l’affinité instinctive avec le hooliganisme fonctionne bien. »

En parallèle, plusieurs associations sportives avec un projet intégrant l’antifascisme ont vu le jour ces dernières années. « Si nous n’avons pas donné de consigne lors d’un match disputé entre les deux tours de la présidentielle, nous avons rappelé, à travers notre bâche " Sempre tutti antifascisti ” [« Toujours tous anti- fascistes » en français], les valeurs qui guident notre action depuis la fondation de notre club qui est une une association d’éducation populaire mixte réunissant une centaine de membres », explique Pascal du Ménilmontant football club 1871 (en référence à La Commune) de Paris.

« Chez nous, des militants viennent pour le foot et des footeux viennent à la politique. »

« Nous exprimons et manifestons constamment notre solidarité avec les luttes contres toutes les formes d’oppressions et de discriminations, de la défense des droits LGBT à l’internationalisme qu’illustre notre t-shirt en soutien à la Palestine », ajoute-il.

« Notre antifascisme est très concret et nous nous sommes aussi investis dans la dénonciation des violences policières à travers un tournoi en hommage a Lamine Dieng*. Enfin, nous entretenons également des échanges avec d’autres clubs partageant nos principes à l’étranger tel que le CFC Clapton à Londres. »

Plus qu’une simple manifestation de principe contre le discours d’un parti ou d’un·e candidat·e, l’antifascisme dans le sport peut donc souvent être vécu comme une forme de résistance ou de résilience sociale et politique. Longue vie à lui ! *


*Lamine Dieng est mort en 2007 dans un car de police après avoir été immobilisé et pressé au sol lors de son arrestation dans le quartier de Ménilmontant à Paris.


 
Asteras Montpellier : FSGT, inclusif et contre le fascisme

Situé à Montpellier dans l’Hérault, « l’Athlétique club Asteras a été fondé en 2020, en pleine pandémie », raconte son président Giorgos. « Mais " président " ce n’est qu’un titre chez nous », précise-t-il immédiatement. «Toutes les décisions se prennent de manière collégiale lors des Assemblées générales et il n’y pas de hiérarchie. » Fort de plus d’une trentaine de membres, cette association omnisport mixte et populaire FSGT a commencé par le football autoarbitré à 7, mais propose dorénavant de la lutte, de la pétanque, du yoga et de la course à pied ! « On ne se définit pas comme un club antifasciste, mais si tu participes à la vie de l’association ou à nos activités, tu verras immédiatement que notre façon de concevoir le sport va à l’encontre de ce qu’est et veut le fascisme », poursuit Giorgos. « Nous défendons l’inclusivité de toutes les personnes quelle que soit leur origine, leur genre ou leur orientation sexuelle, et nous sommes solidaires d’initiatives politiques qui nous semblent correspondre à nos idéaux. Par exemple en soutien aux réfugiés ou à La Barricade, un local associatif géré par des personnes unies par des valeurs d'entraide et récemment attaqué par des militants d’extrême droite... »

 



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