Votre revue préférée fête ses 70 ans ! Une longévité rare dans la presse, y compris associative, et un anniversaire qui conduit à se replonger dans le premier numéro de Sport et plein air, paru le 1er décembre 1953. Un grand format au papier désormais jauni qui permet de comprendre à quel point l’organe officiel de la FSGT renvoie le reflet de son époque et de ses enjeux.
En 1953, la FSGT traverse une des périodes les plus difficiles de sa jeune existence. Suite à l’envoi d’un cadeau à Joseph Staline pour son anniversaire trois ans plus tôt, une scission s’est produite en son sein et certains de ses Comités et de ses clubs proches des socialistes sont partis fonder l’Union sportive du travail.
Car la guerre froide divise désormais le pays en deux camps… En raison de sa proximité avec le PCF, la Fédération se trouve désormais ostracisée au sein du sport français, mais également par les autorités qui suppriment arbitrairement ses subventions. Son niveau d’adhérent·es (80 000) atteint un étiage inquiétant et sa survie semble même questionnée ! Possédant déjà un organe de presse lancé en 1945 (La Vie de la FSGT), la Fédération décide néanmoins de se doter d’un nouvel outil de communication pour amorcer son renouveau et Sport et plein air (ou SPA) voit donc le jour le 1er décembre de la même année.
Dans son tout premier édito, Raoul Gattegno, membre du bureau en charge de la revue et futur président de la FSGT, soulignait tout d’abord une certaine continuité :
« Ce n’est pas une naissance que nous avons à fêter aujourd’hui, car Sport et plein air n’est que la suite logique de la longue série de numéros de La Vie de la FSGT parus depuis la Libération (…) Il a et il aura pour lui le soutien actif de tous les adhérents, mais aussi de tous les sportifs honnêtes qui veulent que le sport prenne tout son sens, de formation humaine, qu’il n’ait que sa place, mais toute sa place. »
Le dirigeant fixe ensuite une ligne éditoriale offensive… « Pour notre journal, c’est d’être toujours à la pointe du combat contre toute atteinte au libre développement du sport, contre tout ce qui tend à le ternir, à le dénaturer, à le mettre au service d’une mauvaise cause, à l’exploiter », indiquait-t-il.
« Pour les autres, c’est d’être toujours prêts à le faire connaître par l’affichage, la diffusion et l’abonnement, à répéter ses conseils, à appliquer ses directives, à collaborer à son contenu. En bref, de faire corps comme les joueurs d’une même équipe qui tiennent à leur victoire. Celle-ci est à notre portée. »
À la une…
On le voit, le projet de SPA se veut conquérant… Il s’agit à la fois de servir de bulletin retraçant les diverses activités fédérales et, dans le même élan, d’être la voix d’une autre conception, dite « progressiste », du sport. La FSGT veut montrer qu’elle surmonte les épreuves et les obstacles et surtout qu’elle n’a pas renoncé à parler dans l’intérêt supérieur du sport tricolore, comme sous le Front populaire.
Toutefois, Sport et plein air témoigne également de l’air du temps et de ce qui sert de terreau salvateur à la Fédération. La une du premier numéro met ainsi en valeur la visite de « nos amis Granatkin et Antipenok, délégués par l’Union soviétique au Congrès de la Fifa, [qui] sont venus à notre siège ».
Autre accroche révélatrice : l’exhumation d’une photo d’Aymé Radigon, grande figure du football FSGT, aux côtés de Gusztav Sebes, autre footballeur devenu vice-ministre des Sports hongrois et qui a justement accordé une interview à la revue (visible en page 8). Un moment de fraternité prolétarienne offrant l’opportunité d’éclairer le passé glorieux du sport travailliste, ainsi que l’ancrage de la Fédération dans la classe ouvrière et ses valeurs (solidarité, internationalisme, accueil des travailleurs immigrés etc.). En outre, ces relations privilégiées avec les pays du bloc de l’Est sont notamment l’occasion de valoriser l’audience de la Fédération.
Le quotidien de la FSGT ne se limite cependant pas à cette quête du prestige ! Parmi les sujets abordés dans ce premier numéro de SPA, nous retrouvons naturellement la Coupe Auguste Delaune, la coupe nationale de football, dix ans après l’assassinat de cet ancien responsable fédéral par la gestapo et la police française.
« Dès le 6 décembre, 64 clubs batailleront ferme avec le secret espoir de revivre la belle aventure du CO Renault Marseille, vainqueur 1953 », pouvait-on lire en p.2.
« Si les éliminatoires ont été relativement calmes et n’ont pas entraîné la disparition des grandes vedettes, les 32e de finale s’annoncent mouvementés, le tirage au sort ayant mis en présence certains "grands" dès leur entrée dans la course. »
Le ski, que la FSGT tente de démocratiser depuis sa naissance, attire également l’attention. « Notre Comité de l’Île-de-France organise à l’intention de nos adhérents des stages et des séjours de ski auxquels même les débutants peuvent participer », annonçait Sport et plein air en page 6.
« Précisons que dans les stages, les élèves ont à leur disposition des moniteurs pendant cinq heures par jour. »
Des subventions !
Mais l’heure demeure à la mobilisation ! Comme expliqué dans la première partie de cet article, la situation de la FSGT est particulièrement précaire en 1953 et, dans un climat marqué par une forte bataille politique et idéologique, elle doit se battre pour défendre son droit à exister.
Le besoin de rassembler et de rassurer les troupes face à l’adversité émerge et c’est tout naturellement que le premier numéro de SPA va mettre en avant des exemples encourageants évoqués lors du dernier Congrès fédéral. « Si la discussion dans les commissions de travail fut très fructueuse, la dernière réunion plénière du Congrès vit intervenir également plusieurs délégués », lisait-on en p.4. L’article évoque par exemple « Zipfel, qui montra comment l’Alsace mit en application la politique de rajeunissement des cadres », « Kastner, qui signala tous les bienfaits pour la Touraine de la politique d’union menée par notre Comité » ou encore « Bernard, qui mit en lumière l’action menée par le Comité du Pas-de-Calais pour le rétablissement de ses subventions ».
Car l’axe principal des revendications de la FSGT s’articule bien autour du retour de la subvention nationale et évidemment de celles de tous ses Comités ou ses clubs (les cas variant selon les lieux et les majorités locales). « Les nombreux offices municipaux, les nombreuses municipalités de toutes tendances, le nombre important de parlementaires intervenant pour le versement des subventions à toutes les fédérations sans distinction prouvent qu’il ne dépend que de l’action que nous mènerons à la base pour obtenir satisfaction », assurait Sport et plein air dans le même papier. Et les années à venir allaient donner la possibilité à la toute nouvelle revue fédérale de documenter les transformations de la FSGT et de montrer son importance au sein du sport français…
La photo : Cyclistes FSGT en URSS
Alors que la FSGT affronte, en pleine guerre froide, une scission de certains de ses Comités et se trouve de plus en plus isolée au sein du sport français, une délégation fédérale de cyclistes se déplace malgré tout en URSS en août 1950…
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