Les JOP de Paris 2024 vont bientôt débuter. Mais quelle place (réelle) sera accordée à l’inclusion lors de cet événement planétaire ?
La charte olympique du CIO l’annonce clairement dans le point numéro 4 de ses principes fondamentaux :
« Chaque individu doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d'aucune sorte et dans l'esprit olympique, qui exige la compréhension mutuelle, l'esprit d'amitié, de solidarité et de fair-play ».
Mais un texte demeure juste un énoncé, et la réalité s’avère toujours fort éloignée des belles intentions.
Où en sommes-nous concrètement de cette belle promesse d’inclusion généralisée, alors que Paris accueillera bientôt 10 500 athlètes lors des prochains JOP ? Évidemment, il est possible de mettre d’abord en avant une perspective globale et symbolique. À l’instar de ce qu’a fait le chorégraphe Mourad Merzouki, choisi pour créer la danse des Jeux olympiques et paralympiques 2024. « J’ai créé un enchaînement de mouvements plutôt simples, afin que n’importe qui puisse se l’approprier, peu importe son âge ou son niveau de danse », expliquait-il dans Le Petit Journal en mai dernier.
« Le challenge est là : réussir à faire danser le public pendant ce rendez-vous tant attendu par le monde entier. J’ai travaillé sur un véritable enchaînement inclusif. »
Toutefois, bien loin des idéaux universels si souvent vantés, cette notion d’inclusion peut également servir de lessiveuse pour les campagnes de marketing des divers « partenaires » des anneaux. Ainsi, le CIO a signé un accord avec la Fondation du Qatar, qui doit se déployer dans dix pays d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord afin de promouvoir l’égalité, la diversité et l’inclusion par le biais du sport. Or l’Émirat propose une approche pour le moins minimaliste des droits des femmes et interdit toujours l’homosexualité.
Du coté des sponsors, Coca-Cola, la boisson cauchemar des médecins en lutte contre l’obésité, compte bien utiliser son association avec le Comité international olympique pour lisser son image durant les JOP. En novembre dernier sur le média Sports marketing, une directrice générale du groupe américain décrivait avec enthousiasme plusieurs actions déployées en ce sens :
« Nous offrirons à 50 jeunes l’opportunité exceptionnelle de porter la flamme olympique de Paris 2024. Nous proposerons également à 50 autres jeunes d’assurer la distribution de boissons aux athlètes et spectateurs pendant les Jeux olympiques et paralympiques : une occasion unique de travailler aux côtés de nos équipes en France dans le cadre du plus grand événement sportif mondial. À travers ces initiatives, nous voulons permettre à ceux qui sont habituellement éloignés de ce type d’événements de pouvoir y prendre part, et faire en sorte que les Jeux de Paris 2024 soient un tremplin pour eux. »
Les limites de l’inclusion
Le CIO, naturellement, n’y voit aucune contradiction avec ses propres initiatives ou ses valeurs proclamées. Il rappelle avec force, et toute l’emphase de circonstance, que « le mouvement olympique a l'intime conviction que le sport a le pouvoir de transcender les clivages et de promouvoir l'harmonie entre des personnes ». Et les prochains JOP « mettront à nouveau en lumière l'importance de l'inclusion, le slogan de Paris 2024 - "Ouvrons grand les Jeux" - rappelant l'engagement pris par les organisateurs en faveur de la lutte contre les discriminations ».
Depuis les JOP de Rio en 2016, il existe une délégation spécifique de réfugié·es, qui déroge donc à la primauté des États et de leurs apparats, et la lutte contre l’homophobie est une autre facette de cette préoccupation inclusive. Lors de Paris 2024, une maison des fiertés « accueillera les athlètes LGBTQ+, les membres de leur entourage, leurs supporteurs et leurs alliés », assure le Comité international olympique. Située à proximité de sites de compétition, elle aura également pour objectifs de « responsabiliser les athlètes » et de « donner plus de visibilité à cette question ».
Toutefois, l’inclusion a ses limites, surtout quand il s’agit de la participation des personnes transgenres aux Jeux… En avril dernier sur France Info, la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, parlait d’un « sujet difficile et évolutif dans lequel on doit naviguer entre deux exigences, inclusion et respect de l'équité sportive. S'agissant des JOP, la règle dépendra de chacune des fédérations internationales, qui régissent les règles relevant de leur discipline. »
Dans un autre registre, le CIO insiste sur son rôle dans l’inclusion des personnes en situation de handicap avec, bien sûr, les Jeux paralympiques et la question de l’accessibilité. Notons cependant que si des épreuves mixtes existent effectivement dans certaines disciplines, les pratiques partagées handi-valides ne sont toujours pas reconnues ou valorisées dans l’arène olympique.
Le changement, une illusion ?
Enfin ; place au dossier de la parité. Il aura fallu attendre 2024 pour que des Jeux rassemblent autant d’hommes que de femmes ! « Ce symbole fort est à la fois une fierté, un exemple et une véritable inspiration pour la société française tout entière : ensemble, nous pouvons combattre les préjugés pour permettre aux femmes de prendre pleinement part à la vie sportive de notre pays », indique le comité d’organisation de Paris 2024.
Néanmoins, les statistiques ne fournissent qu’un élément d’analyse parmi d’autres. En décalant ou en hissant le regard, on remarque qu’il s’avère encore aujourd’hui bien difficile pour les femmes de s’imposer comme dirigeantes dans les fédérations ou les organisations sportives. De la sorte, parmi les 22 directeurs du CIO, se trouvent seulement sept directrices…
Plus largement, le sport demeure toujours imprégné de sexisme. Dans les colonnes de L’Humanité en avril dernier, la grimpeuse Sophie Berthe racontait ce qui l’a conduit à inaugurer le hashtag #Balancetongrimpeur. Loin de la façade d’un sport de « chics types, écolos et respectueux », qui a fondé son intégration dans le programme olympique, autant pour sa réputation « hype » que pour des motivations commerciales, l’escalade constitue aussi « un milieu créé par les hommes et pour les hommes » où les femmes sont trop souvent sexualisées et pas toujours en sécurité. En mai 2024, Le Monde Diplomatique résumait d’ailleurs fort justement la chose : « imaginer que quinze jours d’un divertissement au suspens bien huilé puisse exercer une influence sur les comportements individuels relève d’une illusion ».
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