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Pollution l Quelle pratique sportive lors d’un pic ?

Dernière mise à jour : 16 févr.

Causés par les activités humaines et multipliés en raison du réchauffement climatique, les épisodes de pollution atmosphérique sont malheureusement devenus habituels pour les Français·es. Mais comment impactent-ils la pratique des sportifs et sportives ? Et que peut-on faire pour minimiser les risques qui en découlent ?

© Paul Burckel

Le printemps est là et l’envie d’aller faire du sport en extérieur pointe forcément le bout de son nez. Mais à la radio, les médias annoncent un énième pic de pollution… Alors que faire ? Délacer ses baskets ou éteindre son poste ?


Causée par le trafic routier, le chauffage urbain, l’agriculture ou encore les activités industrielles, la pollution atmosphérique (comprenant notamment les oxydes d’azote, les matières particulaires et l’ozone) est responsable de neuf millions de décès par an à l'échelle planétaire ! C’est ce qu’annonçait la Commission Lancet sur la pollution et la santé dans la revue The Lancet planetary health en mai 2022. En ce qui concerne l'Hexagone, l'agence nationale Santé publique France estimait, dans un rapport datant de 2021, que les matières particulaires étaient, à elles seules, responsables de la mort de 40 000 Français·es de 30 ans et plus chaque année.


Cela s’explique par le fait que la pollution, après avoir pénétré dans l’organisme par les voies aériennes, va circuler dans le sang. Entraînant ainsi à terme le développement de pathologies cardio-vasculaires, des accidents vasculaires cérébraux ou encore des embolies pulmonaires. Au niveau des dangers liés à la pollution, le risque cardiaque est « le plus important », indiquait d'ailleurs le docteur Gilles Dixsaut, médecin physiologiste respiratoire, dans le média Allo docteurs en 2017. Mais le risque le plus connu est le risque respiratoire. La pollution a un « effet irritant qui aggrave les maladies asthmatiques, les bronchopathies obstructives » et peut provoquer un « retard de développement pulmonaire » chez les enfants, détaillait ce membre de la Fondation du souffle. Sans oublier « l’effet cancérogène qui a été mis en évidence par le Centre international de recherche sur le cancer ».


Diminution des performances

Si la pollution atmosphérique a des effets délétères sur la population générale, qu’en est-il de son impact sur les sportives et sportifs ? Lorsque l’on réalise un match de football ou une une course à pied, « on ventile et on inhale beaucoup plus qu'à l'état de repos », précisait le docteur Dixsaut, cette fois dans les colonnes de L'Équipe, en 2020.

« L'être humain ventile en moyenne 15 000 litres d'air par jour et la pratique d'une activité sportive peut quadrupler, voire multiplier par cinq ce volume. »

Une activité physique, si elle soutenue dans certaines conditions de pollution, génère donc une inhalation de substances polluantes nettement supérieure à la normale (d’autant plus que la muqueuse du nez qui protège l’organisme se voit souvent court-circuitée par une respiration buccale inhérente à l’effort) et expose même à un « sur-risque d’accident aigu, tant sur le plan coronarien que vasculaire cérébral », alertait le docteur Laurent Chevalier, cardiologue à la Clinique du sport de Bordeaux-Mérignac et coprésident du Club des cardiologues du sport, dans un article rédigé par ses soins dans le numéro 42 du magazine Cardio&Sport.


Outre les problèmes de santé, la pollution nuit aux résultats des sportif·ves ! « Le monoxyde de carbone, de par son affinité très marquée pour l’hémoglobine, est évidemment un ennemi majeur de la performance », notait le Dr Chevalier dans son article. Et particulièrement en « zone urbaine où, malgré la généralisation des pots catalytiques dans les années 1980, la multiplication des véhicules maintient un taux significatif dans l’air ». Et le monoxyde de carbone n’est pas le seul. Le dioxyde de soufre peut aussi diminuer les capacités des sportif·ves et les composants volatiles organiques semblent augmenter la fréquence cardiaque à l’effort quand les températures baissent.


Toujours en hiver, « les matières particulaires ont un effet catalyseur avec l’acide sulfurique qui altère les surfaces d’échanges gazeux et nuisent à la diffusion de l’oxygène », selon le cardiologue.

« Un protocole comparant les paramètres d’effort chez seize hommes de 20 ans pédalant en atmosphère pauvre puis riche en matières particulaires objectivait une diminution de 3 % de la performance, de 19 % du flux artériel brachial et une augmentation de 6 % des pressions pulmonaires post-effort. »

A contrario, c’est surtout pendant l’été que l’ozone impacte (négativement, évidemment) la fonction respiratoire et la performance…


Un sport adapté

Pour toutes ces raisons, le professeur Daniel Thomas, cardiologue au Centre hospitalier universitaire de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et membre de la Fédération française de cardiologie, recommande de ne pas faire de sport lors des pics de pollution. « L’organisme n’est pas dans de bonnes conditions (…) pour faire l’activité physique qu’on lui demande », soulignait-il auprès de France Inter en 2019.


Mais il ne s'agit pas non plus de s'enfermer chez soi ! Certains spécialistes estiment que l'activité physique reste bénéfique pour la santé pendant une période d’intense pollution. « On peut faire du sport lors des pics de pollution, mais autrement », expliquait ainsi le docteur Gilles Dixsaut, toujours à France Inter.

« Si vous faites des sports intenses comme une course rapide, vous allez inhaler des polluants. Par contre, en faisant de la marche ou du vélo (…) vous allez conserver l’avantage de l’activité sportive sans inhaler trop de polluants. »

Dans le magazine Cardio&sport, le docteur Laurent Chevalier estimait qu’en « attendant l’avènement improbable d’un monde plus pur, il est urgent de conseiller les patients afin d’abaisser leur niveau de risque per- et post-effort ». Ses quelques suggestions sont simples : éviter de faire du sport en bordure de périphériques/rocades et d’axes de circulation bordés par des bâtiments, ne pas pratiquer intensément en cas de smog (ce mélange de fumée et de brouillard stagnant parfois au-dessus des concentrations urbaines/industrielles) ou de chaleur particulièrement importante, prendre l’habitude de se renseigner sur les horaires des pics de pollution pour pouvoir décaler son entraînement si besoin et de privilégier le dimanche matin si on fait sport une fois par semaine car l’activité industrielle et le trafic y sont moindres.


Le cardiologue insiste toutefois sur le fait que la pollution est omniprésente. Elle est partout, en zone urbaine comme en zone rurale, en été comme en hiver. « L’activité humaine est le principal responsable de cette pollution potentialisée par certaines conditions météorologiques », insistait-il avant de rappeler que « le pouvoir politico-économique détient la clé de la qualité de l’air que nous respirons aujourd’hui et que nous respirerons demain ».


Mais le pouvoir sera-t-il à la hauteur de cette grande responsabilité ? Rien n’est moins sûr. En octobre dernier, la Commission européenne a proposé un abaissement des valeurs limites d’exposition aux principaux polluants, celles-ci datant de 2008, sans pour autant s’aligner sur les seuils préconisés par l’Organisation mondiale de la santé. Ces dernières années, la France a, quant à elle, été plusieurs fois condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne ou le Conseil d’État pour des dépassements répétés des normes de la qualité de l’air sur son territoire…


Laura Kotelnikoff-Béart


 

Sport en intérieur : aussi de la pollution !

En période de pollution intense, certain·es sportifs et sportives seront peut-être tenté·es de se rabattre sur une activité physique réalisée en intérieur… Mais faire du sport en salle « n'est pas sans risque car l'on rencontre une pollution intérieure qui peut aussi être toxique pour l'organisme », expliquait le docteur Gilles Dixsaut, médecin physiologiste respiratoire, dans L'Équipe en 2020. « Elle est différente de la pollution extérieure, mais peut être issue de colles, solvants et autres produits chimiques qui viennent affecter l'appareil respiratoire. » C’est en effet ce qu’a prouvé, dès 2012, le docteur Carla Ramos de l’Université de Lisbonne. Associée à une équipe hollandaise de la Delft University of technology, elle a mesuré les taux de polluants dans des salles de fitness de la capitale portugaise et a révélé une concentration de substances dépassant les valeurs limites généralement admises. Citée dans un article de La Dépêche de 2014, la Dr Ramos révélait également la forte présence d’acariens et de formaldéhyde, des polluants qui sont « susceptibles d’entraîner des affections comme l’asthme ou d’autres maladies respiratoires ». Selon cette chercheuse, ces résultats ne doivent pas décourager les amateur·rices de sport en salle, mais « doivent interpeller les responsables de ces établissements sur la manière dont ils pourraient améliorer la qualité de l’air intérieur ». LKB


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