Paris 2024 est terminé, mais la France n’est toujours pas une « nation sportive ». Et les enfants sont les premier·ères impacté·es…
Voici une grande question qui agite cette rentrée 2024-2025 : est-il possible de recevoir convenablement les sportifs et sportives, qui, comme après chaque olympiade, se dirigent vers les clubs ? Aujourd’hui, on recense déjà 16,5 millions de licences dans les diverses fédérations, preuve que la France n’a pas attendue les injonctions de Jupiter pour être sportive, et l’ancienne ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, en prévoyait au moins deux millions supplémentaires post JOP de Paris 2024. Et parmi eux ou elles, forcément beaucoup d’enfants…
Certain·es dirigeant·es associatif·ves n’avaient pas attendu que la flamme s’éteigne sur la capitale pour imaginer des solutions. Exemple avec Julien Bieganski, le président du Club populaire et sportif du 10e arrondissement de Paris, grande structure omnisport parisienne. « Constatant, en tant que parent, le peu d’offres sportives pour les 3-5 ans, il avait décidé en juin de lancer une petite section baby-ping », relatait une chronique du Monde (27 septembre 2024). « La première semaine, six enfants étaient présents, dix à la suivante. Julien Bieganski envisage de créer un deuxième groupe. »
Un manque de bénévoles
Les jeunes constituent un public particulièrement visé par les politiques d’incitation à la pratique sportive. Une des mesures phares engagées depuis le Covid 19 reste le Pass sport, une aide de 50 euros qui permet aux 6-30 ans issu·es de familles modestes de financer une partie de leur inscription dans un club. Or, seulement 1,38 million de personnes l’ont reçue la saison dernière, pour 6,5 millions de potentiel·les bénéficiaires… L’objectif serait de monter à 1,5 million en 2025.
Cependant, le 19 septembre, Le Monde s’interrogeait :
« Comment accueillir cet afflux de nouveaux pratiquants sans éducateurs supplémentaires, sans encadrants formés, alors que le secteur souffre déjà d’une crise du bénévolat ? »
Le 3 octobre, toujours dans les colonnes du quotidien du soir, Emmanuelle Bonnet Oulaldj, l’ancienne co-présidente de la FSGT, ajoutait que « l’affaiblissement du bénévolat dans certains territoires va renchérir le coût de la pratique. On voit déjà la différence de prix entre un club qui fonctionne sans salarié et celle des clubs privés. »
Inaccessible handisport
Problématique supplémentaire : dans quelles conditions vont pratiquer ces jeunes athlètes ? Le cas de la natation, particulièrement exposée avec le triomphe de Léon Marchand aux Jeux olympiques, s’avère révélateur. En Seine-Saint-Denis, où on compte seulement 38 bassins pour 1,6 million d’habitants, plus d’un enfant sur deux ne sait pas nager en arrivant au collège. Si sept piscines ont été construites ou réaménagées sur le territoire à l’occasion des JOP, ce rattrapage s’avère insuffisant et des doutes subsistent sur leur capacité à répondre aux besoins du plus grand nombre.
Le cas du handisport, dont tout le monde vantait l’importance à l’occasion des Jeux paralympiques, est un autre cas significatif. Car il est impossible d’amener les enfants en situation de handicap vers le sport tant que le coût de ce dernier demeure un obstacle, en particulier celui des équipements spécifiques que la Sécurité sociale ne prend pas en charge. « Ce non-remboursement est clairement un frein pour les familles », regrettait, auprès de Franceinfo le 11 septembre, Jean-Luc Clemençon, président de l’association Entr’aide, qui permet aux jeunes amputé·es de s’équiper de lames de course.
« Une lame coûte entre 12 000 et 24 000 euros, un prix multiplié par deux pour un double amputé. Ensuite, vous multipliez par dix pour suivre la croissance de l’enfant. On arrive donc entre 200 000 et 450 000 euros. »
« Sans les associations, c’est impossible de faire du sport aujourd’hui », assurait le père de Maud, une adolescente de 16 ans amputée de la jambe droite s’adonnant au basket fauteuil et à la danse classique, dans le même article.
Pas assez d’EPS
Dernier point essentiel : l’EPS à l’école, qui est toujours la grande oubliée. Avec seulement trois heures par semaine à l’école élémentaire et deux heures au collège et au lycée, le compte n’y est pas…
Quant aux dernières dispositions adoptées pour, par exemple, donner le goût de l’exercice aux élèves et lutter contre l’obésité, elles ne se révèlent guère concluantes. En se fondant sur une enquête de la direction générale de l’enseignement scolaire, les sénatrices Laure Darcos et Béatrice Gosselin notaient que seulement 42 % des écoles primaires avaient réellement mis en place les 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école souhaitées par Emmanuel Macron en 2020. Et comment assurer la mission pédagogique et éducative quand, comme le regrette le Snep-FSU, principal syndicat des enseignant·es d’EPS, 1379 postes de professeur·es ont été supprimés depuis 2017 ? D’autre part, 55,4 % des établissements auraient des groupes de plus de 30 élèves dans les cours de sport.
Pour conclure, il demeure, dans ce contexte guère encourageant, le point d’achoppement du décrochage, qui conduit à casser la dynamique de la pratique sportive juste avant l’adolescence. Un article de The Conversation du 23 septembre rappelait qu'on « observe une baisse significative du nombre de licenciés autour de 11-12 ans », en particulier chez les jeunes filles. Mais quels moyens auront les clubs pour répondre à cet enjeu et à tous les autres puisqu’il est annoncé un budget des sports en forte baisse ?
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