Hôte de la prochaine Assemblée générale de la FSGT (via son Comité du Bas-Rhin), l’Alsace fut le premier territoire français à organiser, au début du vingtième siècle, le sport ouvrier. De nombreux clubs de la région fêteront bientôt leurs 120 ans d’existence. Parmi eux, on trouve notamment l’Union sportive Égalitaire, une association strasbourgeoise installée au cœur du quartier populaire du Neudorf.
Quelques années avant que ne soit lancée, en novembre 1907, à Paris, l’Union sportive du Parti socialiste, le sport ouvrier émerge en Alsace. La région avait été annexée par l’Empire allemand suite à la défaite française lors de la guerre de 1870-1871. Les clubs sportifs ouvriers s’y constituent donc à l’ombre de la puissante sociale-démocratie germanique, qui, à l’inverse de son homologue française, s’intéresse très tôt aux questions athlétiques…
L’Arbeiter turnebund (une fédération de gymnastes réunissant 180 000 adhérent·es en 1910) est fondée dès 1892 et est rapidement accompagnée par l’Arbeiter radfahrerbund (des cyclistes ouvriers). À Strasbourg, le club pionnier, né en 1902, s’appelle l’Arbeiterturnverein vorwärts (aujourd’hui connu sous le nom de la Société ouvrière de gymnastique et des sports l’Avenir) et, rapidement, de nombreuses autres sociétés sportives éclosent. Principalement situées dans les centres industriels du Haut-Rhin (à Mulhouse par exemple) ou de la capitale alsacienne et de ses alentours (Cronenbourg, Schiltigheim…), ces dernières sont souvent centrées sur la gymnastique ou les exercices de force, dont la lutte.
Implanté dans le quartier populaire strasbourgeois du Neudorf, l’actuelle Union sportive Égalitaire apparaît dans ce contexte, durant l’été 1906. La structure se dénomme alors Freie turnerschaft et, en 1908, elle participe à la Fête de gymnastique de l’arrondissement de Pforzheim avec une centaine de ses membres.
Après la Première Guerre mondiale, l’Alsace est de nouveau française. Le club change de sigle et de langue et devient la Société ouvrière de gymnastique Égalitaire. Cette dernière adhère à la Fédération sportive du travail et plus précisément à celle d’Alsace-Lorraine (le mouvement ouvrier ne reconnaissant pas le traité de Versailles de 1919 et les organisations régionales conservant leur singularité).
Même s’il établit désormais des relations privilégiées avec son vis-à-vis français (les contacts outre-Rhin étant désormais proscrits par les pouvoirs publics), le Rot sport (« sport rouge » en allemand) conserve donc son autonomie et est très puissant. En 1923, la Fédération sportive du travail d’Alsace-Lorraine comptait en effet pas moins de 11 000 licencié·es alors que la FST « de l’intérieur » n’en rassemblait qu’environ 5 000…
Soubresauts et gymnastique
Au cours des années 1920, la vie de l'Égalitaire se trouve malgré tout marquée par quelques soubresauts. En 1929 se produit ainsi une scission provoquée par une partie de ses adhérent·es. En 1933, elle fusionne avec l’Eichenkrantz, une autre association du coin, pour désormais s’intituler : Union sportive Égalitaire (ou USE).
L’importance du club dans le quartier du Neudorf s’avère incontournable, ce dont témoignait le « vétéran » Ernest Herzorg dans le Sport et plein air (SPA) :
« À l'époque (...) il n’y avait pas d'autre club pour faire de l'haltérophilie, de la gym ou de la natation. »
L’US Égalitaire connaît alors un essor certain et envoie même une délégation au Rassemblement sportif antifasciste de Paris en août 1934, prémisse du processus unitaire qui aboutira à la création de la FSGT quelques mois plus tard. À l’image du sport ouvrier alsacien, l’USE rejoint les rangs de la nouvelle fédération sportive travailliste nationale, mais le Comité régional préserve une forte visibilité, notamment grâce à ses sélections spécifiques.
Le club, dans la foulée des conquêtes sociales du Front Populaire, propose ses premières colonies de vacances en 1937, permettant ainsi à des centaines d’enfants issus des milieux les plus modestes de découvrir un univers différent du leur. Mais la gymnastique demeure sa principale activité. Dans un numéro de Sport (l’ancêtre de Sport et plein air) en mai 1939, on apprend que « la Fédération sportive et gymnique du travail, département du Bas-Rhin, organisera, les 19 et 20 août 1939, à Strasbourg-Neudorf, un grand concours de production spéciales avec ou sans engins. L’organisation de cette manifestation sportive sera assurée par la Société ouvrière de gymnastique et de sports " Égalité " Strasbourg-Neudorf [l’auteur·e de l’article ignore probablement sa nouvelle appellation], et aura lieu à l'occasion d’une Fête de nuit sur son terrain de sports à Strasbourg- Neudorf. »
Renaissance et omnisport
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Alsace est annexée par le Troisième Reich et l’Union sportive Égalitaire est dissoute par les nazis. Toutefois, une nouvelle équipe relance son activité en 1945, avec le projet de doter le club d’un foyer propre. Chose qui se concrétisera finalement au stade Langhaag, évidemment situé dans le quartier du Neudorf.
Dans le SPA d’octobre 2002, Ernest Herzorg se remémorait cette difficile, mais enthousiasmante, renaissance :
« À la Libération, tous les vivants sont revenus à la FSGT : c'était des défilés, des fêtes sportives dans tout Strasbourg. En 1946, nous avons eu notre premier nouveau tapis de lutte : un ancien matelas bien ondulé, mais nous étions si contents ! Tout de suite, nous avons installé les agrès que nous avons pu trouver en faisant le tour de la ville, mais les Championnats n'ont repris qu'à partir de 1948-1949 ; il fallait d'abord tout réparer. »
À la manœuvre de ce retour se trouve Albert Lichtlé. Militant syndicaliste et politique, cet ancien résistant s’investit « avec toute sa famille dans le développement de l’Égalitaire de Neudorf », peut-on lire dans le Maitron (le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier). « De 1945 à 1974, il en fut le président. »
Cette période est aussi marquée par la diversification d'activités au sein de l’USE à travers l’introduction du tir sportif, du basket-ball, de l’haltérophilie, du football, du tennis de table et de la pétanque. Sans oublier les échecs… En janvier 1954, Sport et plein air évoquait par exemple la « troisième rencontre du Championnat d’Alsace » disputée dans les locaux de l’US Égalitaire.
Après Albert Lichtlé, ce fut ensuite au tour de Robert Christmann, ancien responsable de la section tennis de table et engagé au côté du Parti communiste français, de reprendre les rênes de la maison. Cet employé du trésor, qui se retrouve de la sorte souvent à occuper la fonction de trésorier, aussi bien au club que dans le Comité régional de la Fédération, occupe la fonction de président jusqu’à octobre 1983. Ses successeurs, que ce soit Albert Veltz à partir de 1987, Lucien Guth, élu lors de l’Assemblée générale 1994 de l’USE, et Roland Marteel (nommé en 2000) assureront la continuité et la présence de cette vénérable institution dans le paysage sportif associatif strasbourgeois.
En outre, durant les années 1980/1990, des activités originales comme les fléchettes pointent le bout de leur nez dans la structure. À l’occasion de la disparition du secrétaire général du Comité départemental du Bas Rhin, Jean-Jacques Goetz, SPA (avril 1994) signalait que cet homme était « également le président fondateur de la toute jeune commission de fléchettes (darts) qui a le vent en poupe et qui se développe hors des limites espérées. L’occasion aussi de rendre l’hommage qu’il mérite à son club d'origine, l'US Égalitaire. »
Aujourd’hui, la structure strasbourgeoise propose une dizaine d’activités FSGT différentes allant du badminton aux claquettes en passant, évidemment, par la gymnastique (rythmique). Dorénavant dirigeée par une femme, Anne-Marie Kleemann-Wintz, elle compte bien honorer le travail accompli par ses ancien·nes en continuant à faire vivre le sport populaire à Strasbourg et dans la Fédération !
1957 : Congrès de la FSGT à Strasbourg
Du 8 au 11 novembre, la FSGT tient son treizième Congrès fédéral à Strasbourg. Un congrès dont l’objectif officiel est de préparer les événements et les commémorations du cinquantenaire du sport travailliste en France. Environ 500 délégué·es venu·es de tout le pays s’y étaient retrouvé·es, de quoi rassurer la Fédération qui se trouve alors dans une situation difficile, plus que jamais ostracisée après l’invasion de la Hongrie par l’URSS l’année précédente. « Sans doute les clubs de la FSGT ont-ils voulu être à la hauteur de " l’étiquette " de ce Congrès du cinquantenaire en étant si largement représentés, bien que les travaux se déroulent sur quatre jours, dans une ville géographiquement éloignée et alors que les conditions économiques actuelles sont si difficiles », pouvait-on lire dans le Sport et plein air de novembre 1957. « Ils y ont ajouté la hauteur de vues que les sujets traités dans les Commissions de travail rendait indispensable. » NK
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